EDISON : la qualité de l’air est une question d’échelles
Labellisé SCO en mars 2023, le projet EDISON présente ses premiers travaux face à l’origine même de l’évolution de la qualité de l’air et du changement climatique : les émissions anthropiques. Son objectif : développer une plateforme en ligne capable d’aider les politiques publiques à piloter la qualité de l’air en croisant les mesures d’émissions avec les données caractérisant un territoire, son activité, sa population, son industrie… L’idée consiste ainsi à fournir une vision systémique d’une zone donnée pour orienter l’action publique face à des problématiques complexes et entrecroisées. |
Soyons clairs ! |
Comme le souligne Marion Moreira, pilote du projet pour WaltR, « de tels moyens deviennent nécessaires, et d’ailleurs l’ADEME met déjà à disposition des premiers outils de pilotage pour accompagner les territoires. Plutôt que de redévelopper une plateforme de plus là où d’autres existent déjà, notre valeur ajoutée avec EDISON consiste à fournir de la donnée de meilleure qualité, mais aussi des données qui n’existent pas actuellement, qui pourront ensuite être intégrées dans les plateformes existantes. Le portail développé pour EDISON servira ainsi de "vitrine" à ces données premium ».
Pour son premier point d’étape, EDISON nous offre une très intéressante description du contexte français et des contraintes avec lesquelles doivent composer les territoires.
Préambule : une question d’échelle
Appréhender les émissions issues des activités humaines et élaborer des actions de réduction de ces dernières doit tenir compte de plusieurs dimensions d’échelles :
- Des échelles administratives : une collectivité ne peut agir que sur les thèmes qui font partie des prérogatives de son échelon administratif, et sur les sources qui sont physiquement localisées sur son territoire. Or une émission locale peut s’étendre au-delà de sa source et, de fait, un territoire peut subir la pollution d’une source localisée hors de ses frontières.
- Des échelles territoriales : il existe en France une grande diversité de territoires aux réalités très différentes selon leur typologie (commune rurale, grande métropole…) et leur localisation géographique (pollution aux algues aux Antilles et en Bretagne, chauffage au bois en région Auvergne-Rhône-Alpes, ports en région PACA etc.)
- Des échelles physiques : non seulement les polluants de l’air et GES ont une grande variabilité dans leur durée de vie, mais plusieurs éléments naturels comme la topographie et la météo (température et vent) impactent le transport de ces composés et les possibles interactions chimiques entre eux.
Étape 1 : échanger avec les territoires
Déjà partenaire de la métropole Nice Côte d’Azur, l’équipe souhaite coconstruire l’outil avec un panel le plus large possible de collectivités. Sur les 40 demandes d’entretiens formulées, 12 ont accepté : l’ADEME (échelon national), 3 DREAL (échelon régional), 6 collectivités (échelon communal) et 2 ASSQA (associations agréées de la surveillance de la qualité de l’air). 7 d’entre eux, souhaitent poursuivre les échanges avec le projet.
Ces échanges ayant permis à l’équipe EDISON d’avoir une première remontée des préoccupations principales et des besoins de ces acteurs, constat est fait du manque de données pour suivre des actions et d’outils pourles piloter. Dans un cadre réglementaire français complexe (voir ci-contre), il ressort la pertinence de focaliser le développement au niveau de l’échelon intermédiaire de l’intercommunalité. |
Le cadre réglementaire en France découpe les compétences et les obligations à chaque niveau du territoire, induisant des relations complexes entre les nombreux acteurs concernés : |
► Exemple d’une commune traversée par deux autoroutes et qui dispose d’un aéroport, qui sont sous la responsabilité de l’État, d’un aérodrome, qui dépend de la métropole voisine, d’une raffinerie, propriété industrielle privée, et un fleuve, sous responsabilité multiple. © WaltR
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Étape 2 : cartographie de suivi des émissions
Ce sont les inventaires d’émissions qui servent de base aux diagnostics à partir desquels sont établies les stratégies publiques d’aménagement du territoire. L’un des grands enjeux de l’amélioration de la qualité de l’air et de la lutte contre changement climatique repose donc sur l’amélioration de ces inventaires officiels, marqués d’incertitudes et publiés tous les deux à trois ans seulement*. S’appuyant sur sa R&D, WaltR teste deux méthodologies basées sur les données satellitaires :
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ADELE, 100% data : grâce aux données satellite Sentinel-5P et aux mesures de vent, cette méthode représente la dynamique des émissions et du transport des polluants. Rapide, elle permet d’identifier les "points chauds" d’émission d’une zone pour pouvoir agir sur les points sensibles et, notion cruciale, bien investir les fonds mobilisés à cet effet. « En attendant les données des futurs satellites MicroCarb et CO2M, nous mesurons les Nox émis par la combustion des carburants fossiles. Nos résultats affichent une bonne corrélation avec les données fournies par AtmoSud, confirmant une reproduction correcte des tendances sur les données déjà connues » apprécie Éric Pequignot, PDG de WaltR.
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HERMOSA, fusion de ce que "voit" le satellite avec le modèle de chimie-transport CHIMERE. La comparaison des résultats avec les données de validation de stations fixes confirme une amélioration des concentrations de l’ordre de 14 à 50% selon les lieux.
Application de la méthode Hermosa sur une portion de la Côte d’Azur avec, en rouge, les pourcentages d’amélioration d’estimation des concentrations. © Lorenzo Costantino (WaltR)
*La nécessité d’améliorer les inventaires d’émission est également abordée dans le dernier point d’avancement d’AEROLAB Space, un autre projet SCO consacré aux GES
Prochaines étapes
L’équipe EDISON va rapidement compléter sa cartographie avec les émissions de CO2 et de particules PM2.5. Souhaitant mettre en œuvre une solution universelle, elle va également réaliser des cartographies d’émissions de NOx et de CO2 sur Abidjan (Côte d’Ivoire).
Elle prévoit de débuter le développement de sa plateforme en ligne à partir de septembre 2024, après avoir sélectionné les données à y intégrer (d’après les besoins remontés lors des entretiens) et déterminé les spécifications attendues.