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EO4Wetlands, un pas de plus vers le monitoring de la dépoldérisation guidé par l’observation satellitaire

Publié le 08/07/2024
L’estuaire de l’Escaut occidental, où se situe le port d’Anvers, est le témoin de nombreuses activités et depuis la rupture de la digue, de nouveaux processus écologiques s’ajoutent à l’activité locale. Dans la matinée du jeudi 11 avril 2024, à la frontière entre la Belgique et les Pays-Bas, les équipes du Cerema, de la fondation STOWA et du CNES ont chaussé leurs bottes pour réaliser une visite de l’ancien polder Hedwige et de la zone humide de Saeftinghe avant de conduire un comité de pilotage avec l’ensemble des partenaires du projet EO4Wetlands. Retour en images.

Les zones humides côtières, du fait de leur rôle dans la préservation de la biodiversité, de leur capacité inégalée de séquestration du carbone et de leur aptitude à réduire l’érosion côtière tout en protégeant les côtes des phénomènes de submersion marine, offrent des approches, basées sur la nature, d’atténuation et d’adaptation au changement climatique et à ses conséquences. Par ces fonctions et services écosystémiques, les zones humides réduisent en effet les risques liés à l’élévation du niveau de la mer (changement sur le long-terme) et aux conditions météorologiques extrêmes (changement sur le très court-terme). 

Le projet EO4Wetlands s’appuie sur le travail initié dans le cadre du projet Polder2C’s (INTERREG) et constitue une opportunité idéale pour déterminer les méthodologies de suivi dans l'espace et dans le temps de de la renaturation en cours de cet ancien polder, mais aussi pour étudier l’impact du changement climatique et des évènements hydrométéorologiques extrêmes sur la zone humide de Saefthinghe.

Rencontre sur le terrain

C’est sous un ciel légèrement voilé et humide, que les équipes du Cerema de STOWA (Fondation néerlandaise pour la recherche appliquée sur l'eau) et du CNES se sont rencontrées le jeudi 11 avril 2024. Une fois la barrière franchie, l’espace s’ouvre et offre aux scientifiques des paysages de Flandres zélandaises uniques, en totale reconstruction. Le retour naturel des eaux favorise la réappropriation des lieux par des espèces spécifiques aux zones humides ; oiseaux, rapaces, lapins… le processus de recolonisation est en bonne voie et ces observations viennent compléter les images et données satellitaires.

EO4W visite

© CNES/Célie Losada

 Les équipes entretiennent d’étroites discussions pour co-construire les outils qui permettront d'améliorer les procédures actuelles de surveillance, de cartographie et de caractérisation des zones humides. En recueillant l’avis, les besoins et les priorités des utilisateurs finaux, les chercheurs peuvent orienter leurs expérimentations pour développer des combinaisons de données, et algorithmes associés, pertinents pour la surveillance de la dépoldérisation.

Pendant la visite sur le terrain, le Cerema a montré le site de mesure où une sonde a été installée en novembre dernier (lire l’actu du 12/12/2023). Rappelons-nous : celle-ci fournit un monitoring permanent de la température dans l’air, au sol et en profondeur, ainsi que des notions de teneur en eau et des propriétés diélectriques (salinité) le long du profil du sol, à plusieurs intervalles de profondeur et de temps.

 

►Les chercheurs du Cerema (de gauche à droite) Raphaël ANTOINE, Cyrille FAUCHARD et Teodolina LOPEZ avec, au centre, le système alimentant la sonde. Enterrée sous le trépied orange fluo, celle-ci permet la mesure de multiples paramètres physiques sur 1 m de profondeur (température, teneur en eau volumique, permittivité, conductivité). © Cerema/Emma Bousquet

EO4W sonde

Pour Hans van Leeuwen, chef de programme SAT-WATER à la STOWA, « Comme il s'agit d'une mesure ponctuelle, elle ne représente pas tous les aspects géomorphologiques, hydrologiques et écologiques. Il est important de garder à l’esprit que les mesures temporelles ont l’avantage de donner un aperçu des tendances générales et de la dynamique de la zone locale ».

Confiant sur les suites du projet, Hans évoque avec enthousiasme les passerelles de compréhension possible avec ces mesures : « Ces conditions de sol étant principalement régies par les processus de marée et les conditions météorologiques, on s'attend à ce que ces informations aident à interpréter les observations par satellite de manière directe et indirecte ».

Et c’est effectivement le cas ! Il précise « : le monitoring de la température de surface, dérivée des satellites pendant les marées et les processus saisonniers, aidera généralement à comprendre l'influence de ce paramètre sur le développement de la flore et de la faune dans l'espace et dans le temps ! Et l’humidité des sols peut aider à comprendre les propriétés géophysiques, notamment en informant indirectement sur la salinité, qui influe sur la densité et la texture du sol ».

EO4W equipe

▲ Visite de terrain du 11 avril 2024 au LLHPP. Vue du polder en cours de revégétalisation. À gauche Cyrille FAUCHARD (Cerema), à droite Hans van Leeuwen (STOWA), avec, en fond, le port d’Anvers. © Cerema/Emma Bousquet

Un premier comité de pilotage à Anvers

A l’issue de la visite, le groupe a traversé la frontière pour rejoindre les locaux de Flanders Hydraulics, permettant de se rassembler avec d’autres partenaires du projet représentant France Digues, le Gip Seine-Aval, l’Université d'Anvers, l’Université Catholique de Leuven (KU Leuven), et la Région Flamande (Mow Vlaanderen).

Le Cerema a orchestré ce COPIL au rythme d’un programme riche et varié permettant de rappeler la genèse du projet et de présenter les premiers résultats obtenus depuis son démarrage en juin 2023.

 

▶︎ Vue de la salle Flanders Hydraulics rassemblant les participants en présentiel et en distanciel le jeudi 11 avril après midi à Anvers. © CNES/Célie Losada

EO4W COPIL Anvers

Après une présentation du programme SCO par Célie LOSADA (CNES), les équipes du Cerema ont tour à tour présenté leurs travaux et ont su démontrer que, grâce à une calibration entre les données satellitaires et les mesures in situ, il est possible d’affiner les résultats à différentes échelles spatiales et temporelles et ce sur plusieurs indicateurs.

L’expertise de Cyrille FAUCHARD (Cerema) permet d’apporter une nouvelle dimension géophysique avec plusieurs aperçus sur la construction en 3D de levées et de profils de sol en utilisant diverses méthodes géophysiques. Cette approche est complémentaire des données hydrologiques et hydrauliques et peut fournir des informations pertinentes pour les gestionnaires de l'eau et des installations portuaires.

Lors de son intervention, Teodolina LOPEZ (Cerema) a présenté l’organisation et la répartition des tâches, les différentes sources de données satellites et leurs fonctions pour le projet. « La zone humide de Saeftinghe qui se situe à proximité immédiate de notre zone d’étude, est considérée comme stable. Nous l’utilisons comme un proxy, un point de référence valide pour calibrer nos mesures sur le polder Hedwige » précise Teodolina. Les plans visant à acquérir des nouvelles images drones pour atténuer le gap entre les observations sur le terrain et par satellite se sont avérés peu concluants du fait de la nouvelle règlementation européenne en cours d’élaboration.

Ce partage a permis de mobiliser les parties prenantes autour de la table. Il a ainsi été proposé par une doctorante de l’Université d'Anvers d'utiliser des ensembles de données de drones existants dans d'autres zones humides voisines. STOWA a également proposé d'établir un lien avec le portail de données satellitaires de l'Office spatial néerlandais.

Enfin, Rollin GIMENEZ (Cerema) a exposé les premiers résultats très intéressants d’une approche générique de classification de la végétation basée sur les images satellites Sentinel-2 et l'IA. La méthodologie développée à partir d’images multispectrales permet le calcul d’indices spectraux sur des séries temporelles de différentes échelles et le regroupement des pixels selon leurs propriétés spectro-temporelles, en prenant en compte l’apériodicité des séries temporelles générées (due à une fréquente couverture nuageuse du site).

Cette première étape d’inventaires automatisés atteinte, laisse désormais la place à l’intégration des données de température, d’humidité et de salinité des sols acquises. En effet, Rollin nous rappelle que « la salinité de la zone influence le type de végétation et sa densité. Il est donc important d’utiliser d’autres jeux de données, comme la donnée RaDAR (Sentinel-1) qui, couplés aux données de terrain fourniront d’autres niveaux d’informations, des indices de végétations, les typologies végétales, et la temporalité d’apparition de certains végétaux spécifiques des zones humides ».

Faciliter l’interopérabilité et l’intégration des données

L’avancement des travaux et les avantages de l’outil EXAMIND, pour la construction d’un jumeau numérique du polder, ont été partagés avec les participants.

Pascal BROGLIE de la société GEOMATYS a présenté la bonne intégration des informations satellitaires et autres informations géographiques en vue de construire un paysage en 3D et d'une "simulation de vol" de la zone d’étude. Il a également été discuté de la manière dont l'utilisateur final/les parties prenantes pourraient bénéficier de ce mode de présentation dans le cadre de ce projet.

Autant de réflexions qui gagent de belles perspectives pour la collaboration du consortium international autour de cet outil de suivi de la régénération de de l’ancien polder Hedwige, et plus largement des zones humides.