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EO4InterTopo automatise la cartographie topographique intertidale

Publié le 12/11/2024
Les territoires côtiers ont besoin de données précises pour préserver leurs zones intertidales. Avec l’objectif d’une production automatique de ces informations, le projet EO4InterTopo met en œuvre une méthodologie combinant différentes données satellitaires. Le premier point d’étape s’annonce d’excellent augure !

Les zones intertidales jouent un rôle crucial de barrière naturelle pour préserver le littoral face aux effets du changement climatique, comme l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements extrêmes. Un suivi régulier de leur évolution est nécessaire pour améliorer leur gestion.

Lancé en janvier 2024, le projet EO4InterTopo vise à fournir une cartographie annuelle de ces zones en exploitant les données satellitaires, à la fois optiques et radar. L’objectif principal est la construction de modèles numériques de terrain (MNT) pour la topographie du littoral normand entre la baie du Mont-Saint-Michel et la baie de Somme, couvrant la période 2016-2025.

Vers une automatisation complète des MNT intertidaux

Au cours des premiers mois, le travail effectué s’est concentré sur l’évaluation des méthodes pour la construction des MNT.

Méthode de la ligne d’eau

La méthode de la ligne d’eau, souvent considérée comme la plus efficace pour l’étude de la topographie intertidale, a été appliquée à la Baie des Veys, la plage ouverte d’Utah et l’estuaire de la Seine. Ces trois sites présentent des environnements variés permettant une évaluation robuste des performances de la méthode.

👉 Les résultats obtenus avec la méthode de la ligne d’eau sont en accord avec les données lidar du ROL (Réseau d’Observation du Littoral) (Figures 1 et 2).  Cependant, reposant sur la segmentation d’images entre zones d’eau et de terre pour extraire les contours de l’interface terre/mer, cette méthode nécessite des ajustements manuels qui compliquent son application à grande échelle, notamment sur le littoral normand, ce qui a incité le projet à explorer d’autres méthodes.

Méthode de l’occurrence de l’eau

« Nous avons prioritairement testé des approches "pixel-based", comme celles de Chen et al. (2023) avec "Tide2Topo" et Yang et al. (2022) avec "Coastxray". Ces méthodes produisent des cartes d’occurrence de l’eau à partir des segmentations terre/mer sur une série d’images. Le pourcentage d’occurrence de l’eau pour chaque pixel est lié à la topographie, les zones basses présentant une occurrence plus élevée et inversement. Puis, en s’appuyant sur les travaux de Fassoni-Andrade et al. (2020), l’occurrence de l’eau est reliée à une probabilité de submersion, permettant de retrouver la profondeur en fonction des prévisions du niveau d’eau issues du modèle HYCOM » explique Edward Salameh, expert en morphodynamique côtière au CNRS et pilote du projet.

👉 Cette méthode est plus facile à appliquer sur de vastes surfaces car elle se base uniquement sur les cartes d’occurrence d’eau sans nécessiter les corrections manuelles requises par la méthode de la ligne d’eau.

 

 

▶︎ Figure 1 : MNT de 2020 des trois sites d’étude avec la méthode de l’occurrence de l’eau (en haut) et avec la méthode de la ligne d’eau (en bas). Le trait rouge représente la coupe illustrée en Figure 2. © UMR6143 M2C-CNRS

Occurence de l'eau

 

▶︎ Figure 2 : Profils topographiques des MNT de la Baie des Veys de l’année 2020 produits avec la méthode de l’occurrence de l’eau (bleu), la méthode de la ligne d’eau (orange) et les données Lidar (vert). © UMR6143 M2C-CNRS

Profils topo

👉 « Les comparaisons préliminaires entre ces deux méthodes sur nos trois sites d’étude montrent des performances équivalentes, mais avec une simplicité d’usage accrue pour la seconde, permettant une application plus rapide à l’échelle du littoral normand. C’est pourquoi une combinaison de ces deux méthodes semble être adaptée pour répondre aux objectifs du projet » analyse Simon Dechamps, ingénieur de recherche au CNRS. Une publication est en cours de rédaction pour présenter la comparaison des deux méthodes et proposer des pistes d’amélioration.

SWOT : Une mission clé pour les zones intertidales

Le projet EO4InterTopo s'appuie également sur la nouvelle mission altimétrique à large fauchée SWOT qui, grâce à son radar interférométrique KaRIn, mesure avec une précision inédite les niveaux d’eau des océans et des réservoirs surfaciques terrestres. Conçu initialement pour l’eau, SWOT s’est révélé performant pour mesurer la topographie des zones intertidales (Salameh et al., 2024).

👉 Contrairement aux approches basées sur des images optiques ou SAR (radar), SWOT permet une reconstruction topographique complètement indépendante des données in-situ et des modèles hydrodynamiques, ce qui facilite l'automatisation du traitement et le passage à grande échelle.

👉 Des MNT intertidaux ont été générés à partir des données SWOT acquises à marée basse et ont été validés à l'aide des mesures Lidar effectuées par drone, montrant une grande fiabilité (figure 3). Ces résultats confirment le potentiel de SWOT pour le suivi des zones intertidales, offrant une source de données essentielle pour suivre l'évolution de ces environnements dynamiques et sensibles aux impacts du changement climatique.

MNT SWOT

Figure 3 : (a) MNT intertidal dérivé de SWOT à partir des cycles acquis à marée basse et (b) la comparaison avec un MNT généré à partir des mesures Lidar par drone. © Salameh et al. (2024)

Prochaine étape : la cartographie du type de substrat

L’étude de l’évolution de la topographie du littoral s’accompagne d’une classification du type de substrat qui compose la zone intertidale. Pour cela, les données Pléiades acquises à marée basse seront classifiées sur l’ensemble du littoral avec un modèle de classification supervisée capable de distinguer l’eau, le sable, la vase, les sites d’aquaculture, les galets et la roche qui composent le substrat.

👉 Selon Edward Salameh, « cette cartographie permettra de compléter les interprétations d’évolution de la topographie et d’expliquer les flux sédimentaires sur la zone intertidale. Si deux sites ont été étudiés pour cette classification (voir figures 4 et 5), la diversité de sédiments présents sur le littoral demande d’entraîner le modèle sur un plus grand nombre de sites avant d’être en mesure d’offrir des résultats cohérents à large échelle ».

 

 

▶︎ Figure 4 : Résultat de la classification du substrat de la Baie des Veys à partir des données Pléiades. Classification supervisée avec le modèle ”random forest”. © UMR6143 M2C-CNRS

Substrat Veys

 

▶︎ Figure 5 : Résultat de la classification du substrat de la plage du Petit Ailly à l’ouest de Dieppe à partir des données Pléiades. Classification supervisée avec le modèle ”random forest”. © UMR6143 M2C-CNRS

Substrat Lilly