Cartovege stimule la science et l’OT
Pilote du projet Cartovege, labellisé SCO en février 2021, et du projet polaire SUBANTECO soutenu par l’Institut polaire français (IPEV), David Renault est chercheur à l’Université de Rennes1. Spécialiste de la biodiversité (végétation, insectes) des environnements froids, il tente de répondre à ce qu’il nomme le « questionnement cartovegien », à savoir « comment le changement climatique affecte-t-il la capacité de survie et la reproduction de la biodiversité des régions polaires ? Et comment pouvons-nous la préserver ? »
Un séminaire scientifique consacré aux terres australes
Du 26 mai au 4 juin 2022, David Renault a jeté son dévolu sur une auberge de jeunesse de Saint Malo pour réunir un petit panel de chercheurs dans un endroit propice à la réflexion. Son objectif ? Analyser trois jeux de données collectés dans les terres australes, en particulier sur les communautés végétales et les paysages. La prise de données s’est réalisée grâce au soutien logistique de l’Institut polaire français, et leur valorisation se fait au travers du projet Cartovege.
Durant deux semaines, les 13 participants ont travaillé par petits groupes en combinant leurs expertises. « Pour favoriser la transmission de savoir, je tenais à regrouper des personnes de différentes nationalités – France, Afrique du Sud, Autriche, Espagne – de différentes disciplines, et à plusieurs états d’avancement de leur carrière, des étudiants de master aux chercheurs » confie David Renault.
Parachevant leurs travaux d’analyse de trois grands jeux de données, les scientifiques ont co-rédigé trois articles, qu’ils sont en train de finaliser :
- Un premier article adresse l’érosion du milieu dans les îles Kerguelen, au cœur du fameux questionnement cartovegien. Comme l’explique David Renault, « une zone désertique est en train de se créer : le changement climatique provoque une altération, voire une disparition, des communautés végétales, avec un sol qui s’assèche dans ces régions dont les précipitations annuelles, y compris estivales, étaient auparavant conséquentes. »
- Un second article porte sur les facteurs environnementaux dirigeant la distribution des populationsd’un coléoptère sur l’archipel de Crozet. Une des originalités de cet insecte est qu’il se présente sous forme brune et de manière abondante à basse altitude, alors que les adultes ont une couleur noire sur les étages altitudinaux élevés (900 mètres). Ici, les chercheurs ont utilisé des prélèvements, des mesures d’abondance et morphométriques. Objectifs : voir si cette différence de couleur relève d’une sensibilité thermique (les insectes sont généralement plus foncés quand il fait froid) et identifier d’éventuelles autres différences morphologiques entre les deux espèces.
- Un troisième article vise à évaluer la sensibilité au réchauffement climatique d’un diptère (mouche) natif de l’archipel de Crozet et des Iles Kerguelen. Pour évaluer sa capacité de survie et de reproduction, les chercheurs ont exposé plusieurs adultes dans des incubateurs recréant les conditions attendues pour les années à venir, et ce à partir des données IPCC (GIEC) et des modèles de simulation des changements de température futurs.
Séance studieuse sur les jeux de données. © D. Renault
Motivé et passionné, le groupe réfléchit à un article plus large pour identifier les éléments qui manquent à l’heure actuelle pour améliorer la compréhension des effets du changement climatique et des invasions biologiques sur la biodiversité polaire. « L’approche par imagerie satellite va forcément ressortir » pointe David Renault. « Cet article constitue un fil rouge initié durant ce séminaire : nous voulons partager cet état des lieux plus largement. D’une part pour combler les manques le plus vite possible, et d’autre part pour étendre notre vision au-delà de Crozet et Kerguelen, aux environnements polaires et froids en général. Nos approches et nos outils pourraient alors se transposer à d’autres types de modèles et de milieux. » Ce qui, en soi, est un raisonnement très SCO !
Fructueuse, la démarche a séduit tous les participants qui attendent avec impatience le prochain séminaire, probablement au printemps 2023. À ce moment, trois équipes seront revenues de leurs expéditions sur le terrain, avec de nouveaux jeux de données. À suivre !
Participation à Intecol 2022
Colloque multidisciplinaire en écologie, l’édition 2022 s’est tenue à Genève (Suisse) du 28 août au 2 septembre 2022 avec pas moins de 550 participants. L’occasion pour David Renault de promouvoir Cartovege, tant dans les discussions que lors de certaines sessions thématiques.
Et surtout, il a de nouveau endossé son costume d’animateur pour organiser, le 29 août, un workshop sur les espèces animales et végétales en expansion dans le monde en raison des changements climatiques : pourquoi et comment évolue la répartition des espèces à l’heure actuelle, comment peut-on la suivre, y compris avec les satellites, et quels en sont les impacts ? Ce questionnement a mobilisé une centaine de participants, dont la moitié en visioconférence, autour de quatre experts, parmi lesquels Helen Roy, co-rédactrice du dernier rapport IPBES. Désireux d’inclure le public, David a eu l’idée de lancer un court sondage dès le début : « pensez-vous que les espèces en expansion modifient le milieu ? oui/non/sans avis ». Reposant la même question au terme de la séance, la réponse OUI a bondi, traduisant l’évolution de la pensée et la prise de conscience suite aux informations échangées.
« Ce workshop s’est révélé extrêmement dynamique et implicatif, avec bien plus de questions qu’envisagé ! » se réjouit David Renault. « Au terme de cet atelier, nous avons diffusé le film de présentation de Cartovege, réalisé grâce au SCO, illustrant tout l’intérêt de l’approche satellitaire pour nos travaux. D’ailleurs, fin septembre, nous avons participé à la Trimestrielle du SCO France sur le suivi des zones naturelles par télédétection ».