Suivre l’évolution des zones naturelles par télédétection
Les zones naturelles constituent les habitats des animaux sauvages, parfois aussi de ceux que nous avons domestiqués, et rendent de (très) nombreux services écosystémiques. Utilisateurs et bénéficiaires de toutes ces richesses, nous devons désormais protéger les milieux les plus affectés par nos activités anthropiques et par le changement climatique. Grâce aux dernières générations de satellites, capables notamment de distinguer finement les différents types de végétation, la télédétection devient un outil majeur de suivi de l’évolution des zones naturelles pour aider à la décision de stratégies de préservation.
Trois projets SCO en ont fait la démonstration mardi 27 septembre 2022 lors de la 6° Trimestrielle du SCO France, que vous pouvez revivre en vidéos ci-dessous.
Pour toute question relative à cette trimestrielle, envoyez un message à seminairesco.fr@capgemini.com.
Cartovege
La température croit particulièrement vite dans les régions alpines et polaires, avec pour effet une redistribution des espèces et des modifications des habitats naturels, dont une forte croissance de plantes invasives. Présenté par Diane Espel du laboratoire Ecobio à l’Université de Rennes, le projet Cartovege combine télédection et modélisation des occurrences potentielles d’espèces végétales afin de répondre aux questions les plus urgentes pour la sauvegarde de la biodiversité de l’archipel subantarctique de Crozet et Kerguelen.
À retenir
- Objectif principal : développer une méthode de cartographie semi-automatique des communautés végétales permettant d’étudier l’évolution antérieure et actuelle de ces habitats et de fournir des informations aux modèles prédictifs de distribution des habitats.
- Données utilisées : images satellite THR Pléiades, rasters (grilles) de topographie radar de la NASA, relevés in situ et base de données terrain HFI. Fin 2022, un drone permettra la capture d’images aériennes.
- Usage des données satellite : génération de MNT (modèles numériques de terrain), dont l’équipe a dérivé des rasters de pente et des variables explicatives pour le modèle d’habitats.
- Avec 4000 points d’entraînement acquis pour son modèle, le projet a défini une nouvelle typologie des habitats.
- La chaine de traitement d’imagerie automatisée permettra aux utilisateurs d’alimenter le modèle avec leurs données d’entrée.
ADOPT
Dans le contexte de changement climatique, les Parcs Naturels Régionaux (PNR) jouent un rôle crucial pour le patrimoine naturel français et le developpement des territoires ruraux. Co-présenté par Bernard Thumerel et Gérard Dedieu, de l’Espace Living Lab (E2L), le projet ADOPT construit ses services issus de la télédétection en étroit partenariat avec 7 PNR d’Occitanie. Leur philosophie : offrir un accès libre et gratuit aux résultats du projet, étendre le service à tous les PNR français et même, idéalement, au-delà.
À retenir
- De la montagne aux littoraux, les 7 PNR pilotes présentent une grande diversité de paysages et s’impliquent directement dans le projet grâce à une démarche Living Lab.
- Données utilisées : données et produits de télédétection existants (issus de Theia, Dinamis, Copernicus C3S, USGS, ESA, NASA), bases de données publiques, enquêtes de terrain et projections climatiques.
- Usage des données spatiales : construction d’indicateurs pour évaluer la saisonnalité et la productivité des prairies, documenter l’évolution du manteau neigeux et suivre des milieux « sentinelles » (dont on attend une réaction rapide et forte au changement climatique), à savoir les tourbières et les sansouïres.
- Les indicateurs générés offrent un usage sur le court terme et, à la demande des PNR, dégagent des impacts et tendances sur le long terme.
- 15 chargés de mission des PNR pilotes ont été formés à la télédétection et au traitement de données satellitaires avec le SIG open source QGIS. Cette communauté « pratique » accroit ainsi son rôle en tant que co-concepteur des services ADOPT et favorise le transfert de pair à pair dans la communauté des PNR.
ORION
Ces dernières années, les Alpes voient une forte expansion d’une végétation de type lande (arbustes tels que le rhododendron), favorisée par le changment climatique, qui réduit la durée d’enneigement, et par l’abandon du pastoralisme au profit du tourisme. Ces landes remplacent peu à peu les prairies de montage, entraînant une baisse de la diversité floristique et de la ressource végétale pour les herbivores sauvages comme domestiques. Piloté par Brad Carlon, du centre de recherche CREA Mont-Blanc, le projet ORION développe des services opérationnels pour aider les décideurs à gérer l’expansion des landes sur leur territoire ainsi que les enjeux écosystémiques des différents paysages.
À retenir
- Végétation rase, souvent en mosaïque, imbriquée avec des prairies et des rochers, les landes sont une cible complexe à capturer. Capables de les distinguer des prairies, les dernières générations de satellites améliorent singulièrement le suivi spatio-temporel des milieux de montagne et permettent d’affiner l’occupation du sol.
- Données utilisées : images Sentinel-2 (corrigées) via Theia, indices de végétation Copernicus, indices d’enneigement issus du produit neige du CESBIO, photos aériennes de l’IGN Géoportail. Des cameras trap complètent le dispositif pour observer le passage de la faune sauvage et son utilisation des habitats naturels.
- Usage des données spatiales : après établissement des (1000) points d’entrainement par photo-interprétation, définition d’une classification supervisée puis croisée avec des variables explicatives (jours sans neige, luminosité, humidité des sols…) pour entraîner un modèle prédictif d’habitat.
- Résultats : cartographies à haute résolution de la distribution des milieux (forêts, landes, prairies, rochers, sol nu), indicateurs de diversité floristique et de fréquentation de la faune sauvage, cartes de vulnérabilité indiquant des prairies susceptibles d’être colonisées dans les années à venir et donc zones de gestion prioritaire.
- Les mesures de terrain réalisées sur 142 points d’échantillonnage s’avèrent cohérentes avec les groupes de végétation identifiés par satellite.
- À terme, l’outil sera intégré à la plate-forme Web de l’Atlas du Mont-Blanc.