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Top départ pour le Gabon

Publié le 31/03/2021
« Dans un monde qui change, nous subissons la nature mais les causes viennent de l’homme. Comment laisser un monde meilleur à nos enfants ? Quand on voit aujourd’hui la manière dont la COVID 19 dicte le temps, faisons-en sorte de ne pas en arriver là avec le changement climatique. » Des mots forts et une démarche volontariste, Aboubakar Ndjoungui Mambimba, Directeur Général Adjoint de l’Agence spatiale gabonaise AGEOS, mène tambour battant la mise en place du SCO Gabon autour d’un premier projet de préservation des mangroves. Rencontre.

Le Gabon fait partie des membres fondateurs de l’initiative SCO en juin 2019. Pourquoi cet engagement immédiat, qu’attendez-vous du SCO ?

Aboubakar Ndjoungui Mambimba : Le Gabon est fortement engagé dans les questions de changement climatique car la totalité de son activité économique se situe sur le littoral et la forêt couvre plus de 88% du territoire. Forts de ces éléments, l’initiative SCO nous a paru un cadre intéressant pour profiter des expériences des autres membres et montrer que la question climatique touche tout le monde : ce n’est qu’ensemble que nous pourrons juguler ces changements et nous adapter. Inédite, pratique et basée sur des faits, la démarche SCO apporte des éléments concrets à une heure où il faut impérativement agir.

DG AGEOS 2021© AGEOS

Aboubakar Ndjoungui Mambimba © AGEOS

Agence Gabonaise d’Études et d’Observations Spatiales, l’AGEOS a signé la déclaration d’intérêt du SCO au nom du Gabon. Présentez-nous votre organisme.

A. N.M. : L’AGEOS est née en 2015 par la volonté du Président de République qui, face aux questions du changement climatique, a voulu doter le Gabon d’une structure spécialisée dans le domaine spatial. Ainsi, avec une station qui couvre 24 pays et la totalité du golfe de Guinée, l’AGEOS possède une capacité de réception directe et de traitement de donnée satellitaires optiques et radar. Grâce à ces outils, l’Agence travaille sur un ensemble de thématiques dont les principales sont la forêt, le littoral, les risques naturels, les ressources en eau, l’urbanisation et l’agriculture. [voir détail en fin d’article]

Suite à son premier appel à projets, le SCO International a vivement encouragé à maturer votre proposition sur les mangroves afin de la doter du label SCO. En quoi consiste ce projet, quels verrous faut-il lever ?

A.N.M. : Le Gabon dispose d’une importante mangrove qui constitue une protection naturelle idéale contre de nombreux aléas mais aussi une zone de reproduction de poissons. Depuis 20 ans, cette mangrove est victime d’une grave déforestation, due en grande partie à l’expansion urbaine incontrôlée. Notre projet a donc pour objectif d’atténuer la disparition des mangroves grâce à l’outil satellite qui offre des mesures répétées dans cet environnement difficile d’accès, une multiplicité de capteurs avec des méthodes éprouvées de traitement des informations. Mais, élaborée en urgence pour répondre dans les délais, notre proposition mérite d’être plus détaillée et doit mieux répondre aux critères SCO. Chaque partenaire doit à présent apporter sa contribution pour consolider ce projet en prenant en compte les besoins spécifiques des utilisateurs finaux comme le Ministère des eaux et forêts ou la Direction générale des écosystèmes aquatiques.

Carto mangrove © AGEOS

© AGEOS

Suivant les recommandations du SCO International , vous vous structurez dans un premier temps en comité d’accélération SCO  (SAC). Comment cette étape va-t-elle vous permettre d’évoluer en SCO Gabon ?

A.N.M. : La maturation du projet Mangroves est effectivement un catalyseur pour structurer le SCO Gabon et mettre en place les mécanismes qui en feront une structure durable, capable de répondre de manière technique et efficiente aux besoins du pays. L’idée d’un comité d’accélération nous semble très bonne pour commencer à travailler et sensibiliser un maximum d’acteurs sur le bienfondé de cette initiative. Il est également très important de définir un mode de gouvernance apte à recevoir l’adhésion de tous, ce qui réclame des consultations, l’évaluation des moyens techniques, humains et financiers à engager, et la bonne formalisation de tout cela pour présentation au gouvernement. Le Gabon entretient une belle collaboration avec la France dans le domaine spatial depuis plus de 30 ans, nous nous appuyons aujourd’hui sur le SCO France pour consolider notre premier projet et structurer le SCO Gabon.

Un SCO nécessite l’implication d’institutions liées aux questions climatiques. Quel visage du SCO Gabon est-il en train de se dessiner ?

A.N.M. : Le PNUD, programme des Nations Unies pour le développement, et le Centre national de recherche scientifique et technologique (CENAREST) ont déjà rejoint l’AGEOS pour répondre à l’appel à projets international. Le 8 mars 2021, nous avons organisé une réunion pour impliquer d’autres administrations dont le Conseil National Climat (CNC), la Direction Générale des Écosystèmes Aquatiques (DGEA), le Haut-Commissariat à l’Environnement et au Cadre de Vie (HCECV), la Direction de l’Environnement et de la Protection de la Nature (DGEPN), l’Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN). La prochaine réunion s’attachera à poursuivre la rédaction des Termes de Référence, appuyés sur ceux du SCO International, et à définir un agenda de travail pour structurer nos activités sur l’année. Nous espérons passer du statut de comité d’accélération à celui de SCO à l’été 2021.

Quel avenir projetez-vous pour le SCO Gabon ?

A.N.M. : Dotée d’une expertise en matière de données d’observation de la Terre, l’AGEOS possède un rayonnement conséquent. Aux côtés de la CEEAC, Communauté économique des États de l’Afrique centrale, nous sommes leader du grand projet GMES & Africa. Une fois le SCO Gabon installé, nous souhaitons profiter de cette tribune pour pousser la création d’autres antennes SCO locales dans la sous région. Partant de là, nous pourrions envisager un SCO Afrique centrale qui aurait plus de poids que plusieurs SCO nationaux. Quoi qu’il advienne, notre ligne directrice reste une structure efficiente et durable.

Mangrove tango © AGEOS

Mangrove du parc national Loango © AGEOS

 

L’AGEOS est l’Agence Gabonaise d’Études et d’Observations Spatiales. Située à Nkok dans la Zone Économique Spéciale, à 27 km de Libreville, elle comprend des moyens de réception directe des données Optique (Landsat 7 & 8, NOAA, NPP) et radar (CosmoSkyMed) et un centre de compétences dans plusieurs domaines d’applications. Les capacités de réception directe couvrent un rayon de 2800 km soit 24 pays de l’Afrique Centrale et de l’Ouest et tout le golfe de Guinée. Les principales thématiques concernent :

  • La forêt, dont le Gabon tient à maîtriser l’exploitation pour éviter une déforestation trop importante. Le satellite permet de suivre son évolution et de vérifier le respect du code forestier national par les exploitants.
  • Le littoral, qui accueille quasiment 100% du tissu économique gabonais. Ici le satellite permet de surveiller l’évolution du trait de côte, la pollution aux hydrocarbures, les activités en mer dont la pêche illégale, etc. Des études récentes sur les 20 dernières années montrent le recul des côtes lié au changement climatique et aux activités anthropiques, comme l’extraction de sable pour la construction.
  • Les risques naturels, principalement les inondations, que les grandes villes subissent désormais à chaque pluie. En collaboration avec des organismes nationaux, l’AGEOS étudie comment éviter sinon prévoir ces phénomènes, et comment dédommager certains habitants des zones les plus inondables.
  • Les ressources en eau : Grâce au fleuve Ogooué, le Gabon est le seul pays d’Afrique centrale qui possède son propre bassin hydrographique. Bien qu’abondante, la ressource en eau rencontre des difficultés d’acheminement vers les foyers, qu’il faut comprendre et résoudre. Le satellite permet de réaliser des études d’impacts et de vérifier les hauteurs d’eau.
  • L’évolution des villes qui grandissent de manière anarchique. Au regard des inondations et des difficultés d’accès aux réseaux routiers et d’eau, le Gabon doit anticiper et aménager certains sites avant que les populations ne s’installent.
  • L’agriculture subit elle aussi les effets du changement climatique, qu’il faut identifier et comprendre pour s’adapter.