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Tête à tête avec l’ESA

Publié le 10/01/2022
L’agence spatiale européenne ESA est un pilier du SCO. À la tête de son Bureau Climatique, Susanne Mecklenburg fait le point sur les synergies qui se tissent entre ces grandes initiatives pour donner aux organisations nationales les moyens d'agir face au changement climatique.

Comment aimez-vous présenter le Bureau climatique de l’ESA, quel est son rôle ?Susanne Mecklenburg : L'Agence spatiale européenne est à la pointe de l'observation du changement climatique depuis l'espace à travers tous ses programmes en observation de la Terre. Cela comprend le développement et la mise en œuvre de missions satellitaires fournissant des observations pertinentes pour le climat et qui servent de base à l’ensemble des données climatiques sur le long terme, la R&D pour mieux comprendre notre système terrestre, et pour les applications axées sur l'adaptation et la résilience.

Au sein du département Science, applications et climat, le Bureau climatique de l'ESA constitue le point focal de l'Agence pour les activités liées au climat. Il est localisé  à l'ECSAT (Centre européen des applications spatiales et des télécommunications), à Harwell (Oxfordshire, Royaume-Uni). Son programme phare, le Climate change Initiative, CCI, rassemble plus de 40 années de données provenant des missions satellitaires de l'ESA et d'autres agences spatiales. Les équipes scientifiques du CCI se concentrent sur les activités de R&D afin de générer des données climatiques mondiales à long terme qui décrivent l'évolution des principaux composants du système climatique terrestre. Les Climate Data Records, CDR, développés en collaboration avec la communauté scientifique, répondent directement aux défis de l'adaptation au changement du climat et de l'atténuation de ses effets. La contribution de l'ESA en matière de recherche et développement permet de soutenir le développement des CDR et des services climatiques opérationnels afin d'appuyer directement la prise de décision liée au changement climatique.

Actuellement, plus de 20 variables climatiques essentielles (ECV) ont été traitées par les équipes scientifiques du CCI. S'appuyant sur plusieurs de ces variables, le CCI comprend des projets d’harmonisation du niveau de la mer qui traitent de questions scientifiques complexes [NDRL : cette harmonisation implique une égalité entre le changement du niveau de la mer et l’évolution de composants indépendants (glaciers, etc.) plus facilement mesurables grâce aux ECV]. L’ensemble des ECV est validé, traçable et cohérent, y compris des estimations de l'incertitude, requises par la communauté scientifique. Ce programme a permis de publier plus de 600 articles, et a largement contribué aux conclusions du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) dans son sixième rapport d'évaluation.

S. Mecklenburg

Susanne Mecklenburg © ESA

Que peuvent apporter les activités climatiques de l'ESA au SCO ?S.M. : Les données climatiques (CDR) fournies par le programme CCI sous-tendent de nombreuses activités liées au climat qui sont pertinentes pour l'objectif du SCO. En outre, ces CDR sont les précurseurs de leur équivalent opérationnel dans le portefeuille du Copernicus Climate Change Service (C3S) par exemple.

De la même manière que le CNES accompagne les projets SCO France dans l'utilisation des données spatiales, l'ESA soutient les projets en collaboration avec Future Earth qui ont récemment été labellisés SCO. Pouvez-vous nous parler de ces projets, de leur objectif, des données qu'ils utilisent et de ce qu'ils ont de nouveau ?S.M. : En 2020-2021, l'ESA a soutenu quatre projets visant à développer des outils de visualisation qui démontrent la valeur des données d'Observation de la Terre de l'ESA pour l'adaptation au changement climatique, en collaboration avec les réseaux mondiaux de recherche Future Earth. L’objectif était d'aider les chercheurs à aller plus loin dans leur engagement auprès des parties prenantes pouvant bénéficier des résultats de leurs recherches. 

Parmi ces projets, City Explorer est un outil interactif d'aide à la planification urbaine, qui cartographie les services écosystémiques fournis par les espaces verts et bleus. Avec le projet Surveillance de la Gold Coast australienne, il s’agit de développer une méthodologie automatisée fondée sur l’imagerie radar pour évaluer la récupération des plages après une tempête. De son côté, Podcast-Demo veut mettre en évidence la manière dont les observations climatiques peuvent être appliquées au risque de choléra dans les régions côtières du nord de l'océan Indien, afin de développer un modèle de risque d'épidémie. Enfin, le projet Renforcer l’adaptation et la résilience le long des côtes d’Afrique de l’Ouest (Enhancing adaptation and resilience along West Africa's Coasts, EARWAC) propose un tableau de bord combinant des données d'OT et des indicateurs locaux pour la vulnérabilité aux inondations côtières, les crues soudaines - historiques et prévues - et la population à risque. Les trois premiers projets cités ont été labellisés SCO, le quatrième est en cours d’étude pour obtenir ce label.

Uniques par l’implication soutenues des utilisateurs dans la conception collaborative des outils de démonstration, ces outils ont été présentés lors de la COP26 à Glasgow (novembre 2021). Ils ont ainsi fait l’objet de vidéos diffusées dans la zone publique de l'ESA, lors d'événements organisés spécialement dans le pavillon pour les décideurs politiques, et d'une présentation lors de la "Journée d'information sur la Terre" du GIEC.

« Les activités de l'ESA et du SCO sont totalement complémentaires. »

Comment voyez-vous la collaboration entre l'ESA et le SCO ? S.M. : Les activités de l'ESA et du SCO sont totalement complémentaires : l'ESA se concentre sur les moteurs globaux du changement climatique tandis que le SCO se focalise sur la collaboration internationale avec des organisations spatiales et non spatiales afin d'inciter les décideurs et les responsables politiques locaux à utiliser les données spatiales pour faire face aux impacts du changement climatique.

L'ESA participe activement aux travaux du SCO ainsi qu’à ses instances de de gouvernance. L'ESA a également soutenu le processus de labellisation SCO et a co-organisé un webinaire en 2021. Une étape importante sera franchie en 2022 avec la signature de la charte internationale du SCO, à laquelle l'ESA a significativement contribué.

Comment voyez-vous l'avenir du SCO ?S.M. : Le SCO est une initiative passionnante qui se concentre précisément sur le principal défi auquel nous serons confrontés au cours de la prochaine décennie : soutenir l’implémentation de la politique climatique mondiale au niveau local. La diversité des projets, l’ambition du SCO visant à susciter la collaboration, la communication et la sensibilisation au niveau national sont louables. Ces activités permettent aux organisations nationales d'agir.

Vous évoquiez plus tôt le GIEC. Comment l’ESA et le Bureau climatique ont-ils contribué à son 6ème rapport d'évaluation récemment publié ?S.M. : Publié en août 2021, ce rapport d'évaluation du Working Group 1 est le plus solide et le plus important du GIEC à ce jour. Il traite de la compréhension physique du système climatique et du changement climatique. Il s'appuie pour cela sur 14 000 publications scientifiques. L'équipe comprend 234 auteurs issus de plus de 60 pays. Le rapport permet de mieux comprendre l'influence de l'homme sur le climat et met davantage l'accent sur les changements climatiques régionaux, l'évolution des phénomènes extrêmes et leur lien avec les activités humaines. Il fournit également un atlas mondial et régional interactif en ligne rassemblant les informations sur les changements climatiques observés et prévus.

Le CCI de l’ESA a contribué de manière significative au rapport, avec un nombre notable d'auteurs issus de la communauté CCI et une augmentation du nombre de publications dirigées par le CCI. En détail : 8 auteurs principaux/coordonnateurs, 16 auteurs collaborateurs, ~10 examinateurs experts, ~100 articles cités et +330 citations in-texto.

ESA-ICC pour GIEC

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Le Bureau du climat de l'ESA est le point central des activités de l'Agence liées au climat et vise à accroître la disponibilité et l'utilisation des données mondiales d'observation de la Terre par satellite pour la prise de décision. Rassemblant le monde universitaire et l'industrie, il est le point de contact des organisations à la recherche d'informations et de données sur le climat mondial et de nouvelles opportunités. Observateur du GIEC et membre actif des principaux groupes de travail internationaux sur le climat, le Bureau du climat de l'ESA joue un rôle important dans la sensibilisation du public à la crise climatique et à ce que les données d'observation de la Terre révèlent à ce sujet.