Tête à tête avec l’ASI
Quelle est votre vision du SCO et qu’en attendez-vous ?
Giovanni Rum : L’ASI a adhéré au SCO dès les premières intentions lancées par la France car nous pensons que le SCO est complémentaire des autres initiatives internationales qui vont combattre le changement climatique de tous les points de vue – observation, adaptation mitigation, etc. Ce qui nous a tout particulièrement plu est cette dimension local to local, c’est-à-dire la possibilité de rendre visible et transférer des services et applications à d’autres pays vivant d’autres situations. Pour nous agences spatiales, il est important de valoriser les données satellites produites auprès d’autres acteurs, sociétés et organisations internationales. Or le SCO manquait dans le panorama international des initiatives vers le climat, notamment pour aider les pays à répondre à leurs responsabilités et engagements dans des accords comme celui de Paris et aux Objectifs de Développement Durables (ODD) de l’agenda 2020-2030. Car pour répondre aux ODD, je pense que, plus que des activités scientifiques liées au climat, les pays ont besoin d’applications concrètes pour définir des plans de développement au niveau national. Pour ceux comme l’Italie qui travaillent déjà activement en ce sens, je pense que le SCO est un mécanisme pour donner plus que pour recevoir, mais il n’est bien sûr pas exclu que nous utilisions ce que les autres partenaires auront développé.
Giovanni Rum © ASI
Comment le changement climatique est-il perçu en Italie ? Quelles actions mène l’ASI pour lutter contre ses impacts ou s’y adapter ?
G.R. : Cet été 2021 a été la période la plus chaude, avec des températures jusqu’à 48°C en Sicile, mais aussi des tornades qui ont détruit des maisons. Pour tous, ces évènements extrêmes ont accéléré la maturation de la conscience que le changement climatique est en cours.
En place depuis environ un an, notre nouveau gouvernement considère le changement climatique au maximum des priorités. Le plan de recouvrement post Covid négocié avec l’Union Européenne comprend notamment une section très importante pour lutter contre le changement climatique et accroître les moyens pour y parvenir. Parmi ces moyens l’on trouve les satellites et leurs données. Dans ce cadre, l’ASI s’est réorganisée début 2021 et a créé le département Dowstream Services pour développer des applications et des services, y compris climatiques, au bénéfice des utilisateurs finaux. En parallèle, l’ASI est en train de développer, en coopération avec le ministère du développement, l’infrastructure sol Mirror Copernicus, un miroir italien de ce que réalise Copernicus en Europe. Il bénéficiera des données satellite et des services Copernicus ainsi que des données satellite et d’autres services nationaux en cours de développement. Il constituera le point d’accès centralisé pour les utilisateurs institutionnels et commerciaux italiens, mais sera aussi ouvert aux utilisateurs européens. Il adressera au total, dans sa première phase, huit services thématiques, dont des services climatiques opérationnels pour divers utilisateurs institutionnels.
Quelle est selon vous la plus-value italienne au SCO ?
G.R. : Je pense tout d’abord à un accès facilité aux données satellite disponibles à l’ASI, en commençant par celles – uniques et de grande valeur pour les applications « climat » - des deux systèmes d’observation italiens gérés par l’ASI : COSMO-SkyMed, une constellation de cinq satellites radar, bien adaptés pour l’étude des pôles, neige, glaciers etc., et PRISMA, un satellite hyper-spectral capable de distinguer les différentes signatures de l’environnement, y compris de l’atmosphère. À ces données s’ajouteront celles mises à disposition par l’infrastructure Mirror Copernicus évoquée plus tôt, ainsi que ses produits, applications et services. Enfin, nous pensons amener au SCO les applications climatiques opérationnelles que développe l’Italie ainsi que nos coopérations, nouées notamment à travers le Copernicus User Forum National.
Pour soutenir tout cela, l’ASI a planifié deux lignes d’intervention. D’un coté, le développement de charges utiles et nouveaux satellites d’Observation de la Terre. De l’autre, le lancement d’appels à projets dédiés aux trois types d’utilisateurs - institutionnels, scientifiques et commerciaux – sur différentes thématiques, dont le climat. Cela nous permettra de mettre en place un réseau national de toutes les institutions et organismes intéressés ou impliqués dans les activités liées au climat, dont le Centre euro-Méditerranéen pour le Changement Climatique (CMCC) et l’agence de météorologie italienne (Italia Meteo), inaugurée depuis quelques mois seulement.
Carte de l'épaisseur de glace du Golfe de Finlande à partir de l'imagerie satellitaire COSMO-SkyMed et du modèle de glace.
Le SCO France vient d’ouvrir son 3° Appel à projets, étendu à la zone Europe. Comment participez-vous ?
G.R. : J’ai directement participé à la définition de l’appel à projet et j’en fais activement la promotion pour avoir des réponses italiennes ! Dès la clôture de l’appel, je participerai au comité de labellisation.
Quel futur voyez-vous pour le SCO à l’échelle européenne ? Et à l’échelle internationale ?
G.R. : Il faut bien voir quelle route nous devons prendre. Pour moi, il est essentiel que le SCO ne se superpose ni ne duplique une autre initiative. Aussi j’insisterais sur les deux mots caractéristiques du SCO : satellites et applications locales. Pour le moment, il faut intégrer les objectifs européens dans le SCO International. Dans cette optique, les partenaires européens devront travailler à bien définir le complément que peut donner le SCO aux services déjà en place et mieux le lier aux autres initiatives européennes comme Copernicus. Une autre voie serait de travailler avec les programmes de recherche et développement de l’Union Européenne pour y intégrer des thématiques d’intérêt SCO et en valoriser les résultats.
D’un point de vue international, le GEO, Group on Earth Observation, est un véhicule intéressant, tant pour gagner des partenaires que pour accroître la visibilité des résultats SCO. Je pense également que l’on pourrait dédier une « priorité » à ces projets locaux qui vont supporter l’agenda 2020-2030. Là encore le GEO, déjà rôdé à la coordination, à l’élaboration et à la diffusion de données, faciliterait le dialogue et les échanges au niveau international.
Enfin, il ne faut pas oublier qu’à l’échelle nationale, le SCO est très bien placé pour supporter le dialogue entre les différents acteurs impliqués dans le domaine climat.
Votre mot de la fin ?
G.R. : Pour que tout cela se matérialise, nous avons besoin d’accélérer sur la définition des apports pour la prochaine phase, ce qui signifie des accords plus structurés pour développer les activités SCO et atteindre les objectifs. Nous sommes en train de finaliser la Charte pour démarrer cette nouvelle phase l’année prochaine.
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Née en 1988, l'Agence spatiale italienne ASI est un organisme public national. L'agence mène ses activités institutionnelles conformément aux orientations gouvernementales et, sur la base de ces lignes directrices, élabore le Document stratégique de la politique spatiale nationale. Troisième contributeur majeur à l'Agence spatiale européenne, l’ASI joue aujourd’hui un rôle de premier plan à la fois au niveau européen et au niveau mondial. En plus de ses contributions significatives dans le domaine de l’exploration spatiale et des lanceurs, l'Italie est également à l'avant-garde en matière d’Observation de la Terre.