Tête à tête avec l’ADEME
Quel service dirigez-vous au sein de l’ADEME et quelle est sa particularité ?Johan Ransquin : Je suis Directeur Adaptation Aménagement et Trajectoires bas carbone. Créée en 2020, cette direction a vocation à accompagner les collectivités et les entreprises dans des trajectoires dites Climat, qui conjuguent atténuation et adaptation au changement climatique. Elle apporte également une meilleure transversalité au sein de l’ADEME pour renforcer son action en termes d’adaptation au changement climatique.
Johan Ransquin © ADEME
En tant que membre du SCO France, quelle est votre vision sur cette initiative ? Qu’en attendez-vous ?J.R. : J’ai une vision très positive sur le SCO ! J’avoue qu’au début j’étais dans l’attente de « voir » ce que ça allait donner, mais mes doutes ont été balayés : le CNES a réalisé un travail extraordinaire pour fédérer un si grand groupe de partenaires, qui jusque-là ne travaillaient pas souvent ensemble, et il a réussi. Avec le SCO, le CNES est parvenu à créer une communauté de travail en s’appuyant sur le secteur spatial et à la doter d’un cœur de fonctionnement. D’ailleurs, nous voyons que les présences sont assidues aux comités de pilotage du SCO France, ce qui est révélateur : le SCO apporte une instance d’animation pour une approche intégrée des territoires. Aujourd’hui, j’attends surtout du SCO qu’il poursuive ce qu’il a su mettre en place, tout particulièrement en tant qu’animateur de la communauté. Le CNES y a mis beaucoup d’énergie, consolidons et poursuivons cet effort.
En quoi les données satellites vont-elles compléter ce que les équipes de votre institution font déjà en matière de climat ?J.R. : L’ADEME intervient beaucoup via TACCT, Trajectoire d’adaptation au Changement Climatique des Territoires, une démarche qui vise à coordonner différents outils pour accompagner les collectivités dans la prise en compte de l’adaptation au changement climatique dans leur développement. Si cette démarche reste assez classique - diagnostic des vulnérabilités et des opportunités, définition et déploiement d’un plan d’action, suivi des résultats –, les données satellite peuvent apporter une approche dynamique fondamentale, tant sur la phase de diagnostic que sur la mise en œuvre d’un plan d’action. En effet, lorsqu’une collectivité territoriale déploie une politique, elle doit d’abord faire un état des lieux – parfois elle ne sait pas dire ce qui est le plus impactant – puis elle a besoin de suivre les résultats pour voir ce qui fonctionne ou pas. Plutôt que de faire réaliser des mesures in situ systématiques, onéreuses et chronophages, le satellite nous permet d’accompagner une collectivité dans son plan d’action à moindre coût, rapidement et avec une maille géographique qui correspond à son territoire.
Le 7 décembre 2021, l’ADEME et le CNES ont signé une convention de partenariat pour le SCO. En quoi consiste cet accord ?J.R. : Cet accord de coopération entérine une collaboration qui nous parait pertinente. Il reconnaît une « façon de faire » et acte l’engagement financier de l’ADEME pour accompagner des projets labellisés SCO. En effet, s’il nous arrive d’accompagner des dossiers de gré à gré, nous préférons travailler dans le cadre d’appels à projets tel ceux que propose le SCO, avec tout ce qu’ils génèrent : une émulation, une mise en réseau et une réflexion commune apte à faire ressortir les projets les plus pertinents. Nous apprécions tout particulièrement le fait de partir d’un territoire d’expérimentation, où l’on cherche à marier les entreprises et la communauté scientifique. Si l’on ajoute la dimension de réplicabilité, c’est exactement le type d‘orientation que l’ADEME donne à ses propres appels à projets.
Dans un premier temps, cet accord prévoit une enveloppe maximale d’un million d’euros pour 2022, dont la consommation dépendra des projets et de leurs besoins de financement. L’ADEME va donc étudier les dossiers au cas par cas et, le cas échéant, leur apporter un soutien financier ainsi que son expertise.Parallèlement, si le besoin s’en fait sentir, nous pourrons faire évoluer nos systèmes d’aide habituels pour y intégrer plus facilement les projets SCO à l’avenir. Quoi qu’il en soit, cette convention signe le début d’une collaboration que nous espérons fructueuse, dont nous tirerons un bilan et que nous adapterons.
Vous participez personnellement au Comité de Labellisation SCO. Qu’en pensez-vous ?J.R. : Être au cœur du comité est hyper intéressant ! Cela permet de balayer la totalité des projets et de croiser nos expertises mais aussi d’identifier les financements les plus pertinents. Sur ce sujet, l’on sait toute l’importance d’optimiser les crédits : le paysage d’institutions représentées au comité de labellisation évite de labelliser des actions existant par ailleurs et d’identifier les projets les plus porteurs.
Sur quels projets ou types de projets vous positionnez-vous ?J.R. : Différents projets nous intéressent, en priorité les outils permettant de détecter la vulnérabilité face aux problématiques d’ilots de chaleur urbains, d’irrigation, de ruissellements et d’inondations. Mesurer le changement climatique lui-même n’étant pas notre cœur de métier, le SCO nous ouvre à cet égard une fenêtre de tir où le satellite se fait un levier d’accompagnement de la collectivité territoriale dans l’approche dynamique évoquée plus tôt. L’ADEME organisant ses propres appels à projets, nous allons également pouvoir détecter des synergies entre nos projets et ceux du SCO, et mettre en relation les consortiums concernés.
« Le SCO soutient la recherche action et l’on voit aujourd’hui que ses appels à projets peuvent orienter la recherche en amont. »
Quel futur voyez-vous pour le SCO France ?J.R. : Le SCO est en train de trouver sa place après deux ans d’existence. Nous avons dû inventer les façons de faire et nous entrons à présent en régime de croisière. La question du financement des projets est cruciale : si aujourd’hui le CNES, l’OFB et l’ADEME abondent le SCO, il serait intéressant que d’autres acteurs s’inscrivent dans le tour de table financier pour mieux accompagner les projets labellisés et ainsi maximiser le passage à l’acte.
Je note par ailleurs une nouveauté dans la dimension d’orientation que suscitent les appels à projets SCO : s’ils collectent les travaux existants, ils deviennent capables d’orienter de nouveaux projets de recherche appliquée, en amont de ses labellisations. In fine, les chercheurs commencent à déposer des dossiers répondant aux thématiques sollicitées par le SCO en sachant qu’après la phase de recherche amont, financée par l’ADEME et/ou d’autres institutions adéquates, leur projet pourra aboutir dans la cadre du SCO qui est, lui, plus ancré dans la recherche action. Nous amorçons ainsi un cercle vertueux. Rien n’est garanti mais l’avenir est ouvert, je souhaite une longue vie au SCO !
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L’ADEME est un établissement public sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Engagée dans la lutte contre le réchauffement climatique et la dégradation des ressources, l’ADEME met ses capacités d’expertise et de prospective au service des politiques publiques. Sur tous les fronts, elle mobilise les citoyens, les acteurs économiques et les territoires, leur donne les moyens de progresser vers une société économe en ressources, plus sobre en carbone, plus juste et harmonieuse.