La méthode Migr-Safe pour préserver les oiseaux migrateurs
Fermez les yeux un instant et imaginez un vol en V d’oies sauvages puis une nuée tourbillonnante d’étourneaux. Vous souriez ? Bien. Maintenant, imaginez un ciel vide, sans plus d’hirondelles pour nous annoncer le retour du printemps. Angoissant non ? Et pour cause : au-delà de notre plaisir à les voir arriver, les oiseaux migrateurs rendent d’indispensables services à l’homme et à l’environnement.
Jeudi 18 novembre 2021, l’équipe Migr-Safe a présenté sa méthodologie pour protéger le voyage des oiseaux migrateurs. Reste maintenant à transformer cette solution en outil opérationnel. Avis aux investisseurs et autres mécènes : voilà un placement de cœur et surtout d’avenir.
Pour des mesures d’adaptation plus conservatives
La migration des oiseaux est en soi un indicateur du changement climatique. Mais quelle est exactement l’influence de la météo, du climat et des paysages faconnés par l’homme sur les migrations ? Les oiseaux choisissent-ils leurs haltes en fonction des ressources qu’ils survolent ou en fonction du climat ?
Labellisé SCO en 2021, l’aventure Migr-Safe démarre par une petite étude de cinq mois pour poser les bases d’une méthodologie capable de répondre à ces questions pour, in fine, protéger le périple des oiseaux migrateurs. Pour cela, le projet base son cas d’étude sur le pigeon ramier, une espèce commune pour laquelle existent de nombreuses données en Nouvelle-Aquitaine. Et quitte à devoir modifier nos pratiques agricoles, autant qu’elles profitent à la biodiversité sans nuire aux agriculteurs : Migr-Safe focalise sur l’intérêt de l’agriculture pour les espèces migratoires.
Innovante et réplicable, cette méthodologie a donc pour enjeu de répondre au besoin de connaissance du monde agricole pour aider la prise de décision en matière de transition agro-écologique et reconcevoir des systèmes agricoles favorables. Se destinant également à sensibiliser un jeune public, la méthode Migr-Safe propose de :
- Prendre en compte les différents paramètres qui impactent la mobilité et le comportement régional des oiseaux, dans toute la dimension espace-temps ;
- Associer questions des collectivités locales et savoirs scientifiques pour accélérer le processus décisionnel en faveur des mesures de conservation et gestion des habitats ;
- Ouvrir les données collectées et indicateurs dérivés à tous les territoires d’un couloir de migration.
Cas d’étude sur le pigeon ramier
L’exploitation des données récoltées met en lumière trois couloirs de migration de ces oiseaux fidèles à leur zone de nidification. Ces trajectoires ont été portées à la connaissance du monde agricole avec une information sur la dynamique du trajet, pour identifier les parcelles concernées, tout particulièrement par les haltes. En s’interrogeant sur les impacts que peuvent avoir les pratiques agricoles mises en œuvre (labours, semences etc.) sur les pigeons, un ensemble de conseils pourra être formulé aux agriculteurs pour adapter leurs pratiques en faveur de cette migration. Selon Philippe Blondeau, Chargé de mission Biodiversité à la Chambre d’Agriculture Nouvelle-Aquitaine, « La démarche et les conseils sont très bien accueillis par les agriculteurs car ils sont conscients des services rendus par la biodiversité. Certains sont déjà engagés dans des pratiques bienfaisantes comme « laisser le champ libre » aux chauve-souris qui régulent naturellement les populations de papillons dans les vignes ».
Après avoir passé la belle saison en Nouvelle-Aquitaine, la chute des températures lance les pigeons ramiers vers le nord-est de l’Europe et, pour ceux qui y sont nés, vers le Portugal. Pourtant certains n’y sont pas revenus, tandis qu’un oiseau est demeuré en Suisse durant deux ans… Pourquoi ces comportements ? Déployé à grande échelle, Migr-Safe aidera à répondre à bien des interrogations pour mieux les protéger.
« Ce cas d’usage est bénéfique pour le pigeon ramier mais aussi pour toutes les espèces qui le suivent. D’autres oiseaux en danger mériteraient un tel suivi. […] Les migrations ne connaissent pas de frontières : idéalement, il faudrait déployer le dispositif au niveau européen » exhorte Valérie Cohou, chargée de missions du GIFS France.
Jeux de données et IA
Partant des ressources et besoins de chaque partenaire, le projet a identifié 4 grands types de données à collecter et agréger. © CLS
Traitées par intelligence artificielle, ces données permettent de :
- Tracer automatiquement les routes de migrations et les haltes ;
- Croiser ces pèlerinages avec le calendrier agricole ;
- Mettre en perspective les évolutions des migrations avec le changement climatique ;
- Générer des rapports automatiques de synthèse ;
- Diffuser ces connaissances aux réseaux scientifiques.
Demain : développer un démonstrateur à tire d’aile
« La méthodologie est posée, les données sont identifiées, les partenaires sont prêts : nous sommes à présent en mesure de mettre en œuvre un démonstrateur régional en Nouvelle-Aquitaine. L’objectif ultime sera de démontrer sa réplicabilité à d’autres espèces migratoires, y compris terrestres » explique Frédérique Blanc, chef de projet pour CLS.
De fait, l’équipe Migr-Safe monte un nouveau dossier, cette fois sur 18 mois, pour opérationnaliser trois services et démontrer le cas d’usage :
- Service Tracking : suivi de trajectoires, indicateurs d’état et de changement, caractérisation des habitats, alertes
- Service Régional : corrélation des comportements avec les données locales pour élaborer des mesures de gestion et de protection des habitats
- Service Valorisation : diffusion des données et cas d’études, mise à disposition de ressources et moyens pour mieux appréhender les problématiques de migration
Pour plus de détails sur la méthodologie et le démonstrateur proposé, téléchargez la présentation ci-dessous. Si vous souhaitez soutenir le futur démonstrateur, contactez Frédérique Blanc.
Zoom sur les partenaires
Porté par la société CLS (Collecte Localisation Satellites) avec le soutien de l’Agence Régionale pour la Biodiversité, le projet à suivre prend corps grâce à des partenaires impliqués :
- Le Groupement d’intérêt pour la faune sauvage (GIFS), pour collecter les données de terrain et prendre en compte la dynamique des oiseaux migrateurs ;
- La Chambre d’Agriculture de Nouvelle-Aquitaine, pour intégrer la biodiversité dans les systèmes agricoles ;
- L’INRAE, pour un accès aux données et concevoir des indicateurs géographiques utiles pour des modèles d’habitat ;
- CLS, opérateur du système de télémétrie Argos, pour développer la solution technique ;
- Le CNES pour valoriser le projet, notamment auprès des jeunes.