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IRRISAT : données satellite pour stratégie hydrique

Publié le 11/06/2024
Quand l’eau se raréfie alors que les besoins augmentent, une stratégie avisée de gestion des ressources s’impose. Au Maroc, grâce au label SCO, le CRTS a pu accueillir la plateforme SAT’IRR d’aide à l’optimisation de l’irrigation en temps quasi réel, en complément de son système IRRISAT. Avec une approche différente et complémentaire, les deux systèmes se basent sur des données satellite.

Au Maroc, où le changement climatique fragilise le contexte hydrologique, le département de l’Agriculture a élaboré une stratégie d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation. Concernant cette dernière, il s’agit d’une part de mieux gérer et rationnaliser l’utilisation des eaux de surface et souterraines, et d’autre part d’encourager l’irrigation localisée (goutte à goutte).

Pour soutenir cette démarche, le CRTS (Centre Royal de Télédétection Spatiale du Maroc) a conçu IRRISAT, un système de suivi de l’irrigation permettant un diagnostic de la consommation, l’utilisation (efficiente ou pas), et la productivité de l’eau. « Malheureusement, le projet s’est retrouvé au point mort pour diverses raisons. Mais lorsque le CNES nous a présenté le SCO, nous y avons vu l’opportunité de faire revivre et d’améliorer ces travaux en les combinant avec d’autres approches, tout particulièrement celle développée par le CESBIO, afin de mettre en place un dispositif opérationnel de production d’indicateurs fiables d’aide à la décision »relate Mohammed Faouzi Smiej, Chef du service acquisition restitution dans la division Gestion des données du CRTS. Deux ans plus tard, grâce au label SCO, l’outil SAT’IRR a bel et bien été transféré au CRTS, et largement amélioré.

La complémentarité de deux systèmes

« Au CRTS, nous avons développé IRRISAT, une approche globale, basée sur le bilan énergétique à partir de données en infrarouge thermique. Le système génère quatre produits : des estimations de l'évapotranspiration, de la biomasse, de l'humidité du sol, et un conseil en apport d’eau d’irrigation. De son côté, la plateforme SAT’IRR de l’IRD développe une approche locale, basée sur le bilan hydrique, à partir d’imagerie Sentinel-2 et Landsat. Créer une synergie entre ces deux plateformes permet de produire au quotidien de l’information pratiquement en temps réel sur la consommation en eau, à l’échelle locale et globale » explique Mohammed Faouzi Smiej.

Ce que confirme Michel Le Page, ingénieur de recherche de l’IRD et spécialiste irrigation au CESBIO : « À l’échelle régionale [Irrisat], le suivi de la ressource en eau est important pour les gestionnaires de bassins hydrauliques qui ont besoin d’indicateurs globaux sur la ressource et son impact en termes de productivité. En revanche, à une échelle locale [SAT’IRR], il est très difficile de calculer le bilan hydrique : on connait la pluviométrie mais c’est à peu près tout. Nous focalisons donc sur les apports en eau et l’évapotranspiration des plantes, une part importante du bilan hydrique qui permet en outre de dégager des tendances ».

Ainsi, à chaque échelle de besoins et de décisions, des indicateurs spatialisés permettent une évaluation objective des ressources disponibles et l’optimisation de leur usage :

  • Aux agriculteurs, à l’échelle de leur(s) parcelle(s) ;

  • Aux offices régionaux de mise en valeur agricole (ORMVA), à l’échelle de leur secteur ;

  • Aux agences de bassin hydraulique, à l’échelle des bassins ou des sous-bassins.

Le pilotage de l’irrigation, un marché encore timide
Grâce à la précision de leur suivi de l’irrigation, IRRISAT et SAT’IRR seraient en mesure de pousser le développement d’un service avancé de recommandations d’irrigation. S’interrogeant sur l’attrait de telles préconisations, le CESBIO et le CRTS ont mené une enquête auprès des agriculteurs du Haouz de Marrakech. S’il s’avère que ce genre d’outil les intéresse, leur préoccupation première est l’eau elle-même, suivie de l’énergie pour la pomper. Des résultats similaires à ceux de l’enquête menée tous les cinq ans aux États-Unis : 90% des agriculteurs américains utilisent des techniques très simples, comme sonder le sol avec leurs mains, regarder les cultures et ce que font les voisins.

Réalisations du projet

  • IRRISAT

👉 Réalisation d’une interface de production et d’analyse des produits sur la consommation et la productivité de l’eau

Dorénavant, le CRTS dispose d’un outil back-office qui facilite la génération, en temps réel ou pour toute une saison agricole, des différents produits et indicateurs sur la consommation et la productivité de l’eau, à différentes échelles spatio-temporelles à partir des données satellite VIIRS, Landsat et des données météorologiques.

Irrisat back office

▲ Interface back-office de production de production et d’analyse des produits et indicateurs sur la consommation et la productivité de l’eau (visualisation de ET journalier). © CRTS

Irrisat carte cultures hiver

▲ Carte parcellaire des cultures d’hiver sur le périmètre irrigué du Gharb générée par IRRISAT à partir d’une série temporelle d’images Sentinel-2 entre octobre 2022 et fin mai 2023. © CRTS

👉 Produit à l’échelle régionale à partir de l’infrarouge thermique

Sous label SCO, les équipes du CRTS ont travaillé à renforcer la fiabilité des produits d’IRRISAT, notamment pour améliorer la définition des données thermiques.

Irrisat LST amélioration thermique

Températures de surface : amélioration des données thermiques basse résolution VIIRS (375 m, à gauche) avec des données Sentinel-2 et Landsat8 (30 m, à droite). © CRTS

  • SAT’IRR

👉 Produits à l’échelle de la parcelle à partir de l’imagerie optique

De leur côté, les équipes du CESBIO ont restructuré le logiciel SAT’IRR et sa plateforme afin de pouvoir la transférer au CRTS. Pour permettre sa prise en main par les acteurs locaux, une formation a été organisée au CRTS, puis une autre auprès d’agriculteurs. SAT’IRR fonctionnant à l’échelle de la parcelle, le CESBIO a également mis en place un système de suivi de quatre parcelles pilotes sur différentes cultures représentatives (olives, pastèques, oranges, vigne). Destinées à valider le modèle mais aussi à itérer avec les agriculteurs, ces parcelles ont été équipées d’instruments de mesure automatique des apports d’eau et de l’humidité du sol.

Irrisat SatIRR interface

Interface SAT’IRR : la parcelle est identifiée sur une image Sentinel-2 en haut à gauche. À sa droite, le système récupère les données météo. Au-dessous le premier graphique montre l’évolution des différents apports d’eau, le second celle de l’évapotranspiration.

👉 Consulter le détail de la méthodologie, de l’enquête et les résultats sur la page projet

Perspectives

CRTS et IRD s’attachent à présent à harmoniser les données d’entrée (météo et imagerie satellite) des deux plateformes pour les faire fonctionner ensemble. À terme, une plateforme geoweb assurera la diffusion de ces produits.