Eagle Hedges, un zoom spatial sur le réseau bocager
Pourquoi dédier un projet aux haies ?
Les haies et les arbres hors forêt sont un levier de la planification écologique en apportant des bénéfices agronomiques et en rendant des services écosystémiques à l’agriculture et au territoire. Afin de suivre l’impact des politiques en faveur de la haie, une connaissance régulière de l’état du bocage français est nécessaire, comme en atteste le rapport n°22114 du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire publié en avril 2023 - dans lequel le programme de recherche Eagle Hedges et ses partenaires sont cités.
Ainsi, le projet Eagle Hedges a pour ambition de développer des outils opérationnels pour suivre et caractériser le réseau bocager à partir d’images de télédétection, afin de palier au déficit de données fiables et récurrentes sur le territoire français. L’imagerie d’observation de la Terre s’avère en effet cruciale pour détecter les surfaces et linéaires de haies. Elle offre en outre la possibilité de mettre à jour de façon récurrente l’état du bocage pour en avoir une vision davantage représentative.
Le consortium projet est le fruit d’une collaboration entre acteurs du privé, de la recherche et institutionnels (TerraNIS, DYNAFOR, AFAC, IGN, OFB et CNES).
Méthodologie pour « télédétecter » les haies
Afin de répondre au mieux à l’objectif de suivi du réseau bocager, différentes sources de données d’observation de la Terre ont été évaluées pour la détection des haies. Pour ce faire, une méthode innovante de détection des haies par Intelligence Artificielle (Deep Learning) a été mise en œuvre par l’entreprise TerraNIS, forte de sa double expertise en télédétection et en agronomie. Les partenaires terrain ont proposé plusieurs sites pilotes répartis un peu partout en France pour représenter la diversité du bocage français. Ces sites pilotes ont servi à l’entraînement des modèles IA. Les équipes de TerraNIS ont comparé la performance de détection des haies selon trois sources de données : les satellites Pléiades et Pléiades Néo et les orthophotographies aériennes de la BD ORTHO IRC IGN, associées ou non à un Modèle Numérique de Surface (MNS).
💡 Le MNS est un modèle 3D qui, combiné à un Modèle Numérique de Terrain (MNT), apporte une information sur la hauteur de la canopée, le Modèle Numérique de Hauteur (MNH).
Le MNS est calculé par corrélation d’images stéréoscopiques. Des couples d’images stéréo Pléiades et Pléiades Néo ont été utilisés pour calculer un MNS en utilisant le logiciel CARS (outil de restitution 3D pour la production de MNS à partir d’images satellite) développé par le CNES. Le MNS photogrammétrique issu des prises de vue aériennes de l’IGN est mis à disposition du public sur le portail Géoservices de l’IGN.
▲ Notre-Dame-Des-Landes vue par Pléiades le 09/11/2021 © CNES 2021, Distribution Airbus DS
▲ Notre-Dame-des-Landes : MNT (RGE Alti® IGN) – MNS (Pléiades) – MNH © CNES
Résultats
Les capteurs comparés ont mené à des performances globales de détection quasiment équivalentes. La BD ORTHO permet de détecter plus de haies que la donnée Pléiades, car elle est plus détaillée (20 cm de résolution spatiale pour la BD ORTHO et 50 cm pour Pléiades). Ce niveau de détails élevé peut cependant entraîner des erreurs de sur-détection. La date de prise de vue est aussi à prendre en compte dans la capacité de détection des haies. Ainsi une image BD ORTHO acquise au début du printemps, lorsque les arbres n’ont pas encore leurs feuilles, permettra de détecter moins de haies qu’une image Pléiades acquise plus tard dans la saison.
Concernant l’utilisation de Pléiades Néo, son intérêt semble résider dans ses bandes spectrales supplémentaires et non dans sa résolution spatiale plus élevée (30 cm) par rapport à Pléiades. Sur la base de premiers tests réalisés sur le site du périmètre de protection de l’étang de Kerne Huel, nous faisons l’hypothèse que le red edge (une portion du spectre électromagnétique dans le proche infrarouge) permet d’améliorer la détection des haies.
Enfin, l’ajout de l’information de hauteur issue des MNS contribue dans la majorité des cas à améliorer la détection des haies. Cette information aide notamment le modèle à ne pas faire la confusion entre une haie et un fossé enherbé, et de mieux détecter les haies étroites. Néanmoins, avec la méthode par IA mise en place, la détection des haies reste possible sans MNS en atteignant une qualité de prédiction satisfaisante.
▲ Détection des surfaces de haies à partir de Pléiades avec et sans MNH sur le Parc Naturel Régional de la Brenne. © Image : CNES 2021, Distribution Airbus DS / Traitement : TerraNIS |
▲ Détection des surfaces de haies à partir de BD ORTHO avec et sans MNH sur le Parc Naturel Régional de la Brenne. © Image : IGN / Traitement : TerraNIS |
Moralité : des briques solides pour achever l’outil final
👉 Ces travaux ont permis au consortium d’appréhender les meilleures sources de données pour détecter les haies et de développer un cadre méthodologique pour répondre aux besoins de suivi des haies des utilisateurs.
👉 En parallèle, le laboratoire DYNAFOR a développé Hedge Tools, un outil de caractérisation automatique des haies, qui génère des indicateurs selon différents points de vue sur les haies : morphologique, structurel et fonctionnel. Distribué librement, Hedge Tools peut être utilisé pour caractériser les haies détectées à partir des images de télédétection et ainsi évaluer leurs rôles et les services écosystémiques qu’elles rendent.
👉 Grâce à ces travaux, TerraNIS est en mesure de fournir un service de cartographie et de caractérisation des haies à la demande, à partir d’images satellite de très haute résolution ou de la BD ORTHO IGN selon les besoins des territoires.
Le consortium a l’ambition de continuer ses travaux sur deux axes principaux : la quantification des évolutions (arrachages, coupes, plantations) du réseau de haies, et la détection des autres éléments d’infrastructures agroécologiques (arbres isolés, bosquets, bois, prairies permanentes, zones humides...). L’outil final sera présenté au premier trimestre 2024.