BandSOS lance le prototype de sa plateforme de prévision de submersion cyclonique
Le 6 décembre 2022, le projet Band-SOS nous a offert une superbe démonstration à trois voix du prototype de leur plateforme. Objectif : soutenir la gestion du risque en temps réel et nourrir les politiques d’adaptation pour améliorer la résilience des populations à moyen et long terme.
Comme l’explique Fabien Durand, chercheur océanographe à l’IRD/Legos, « avec cette plateforme de prévision automatique de l’aléa de submersion, nous portons nos développements de recherche à un mode opérationnel pour l’agence de l’eau du Bangladesh, et tout particulièrement du centre de prévision des submersions FFWC. Pour parvenir à une échelle de danger estimée en temps réel, notre système intègre l’aléa naturel et la vulnérabilité socio-spatiale ».
Une première version pleinement opérationnelle, avec un code source ouvert
Imaginez que vous êtes un habitant du Bangladesh et qu'un cyclone arrive : quel sera le niveau d’eau au bout de la jetée de mon village après-demain ? La démonstration réalisée par Jamal Khan, ingénieur de recherche sur le projet Band-SOS, est tout simplement bluffante tant l’outil est simple et clair. Et efficace : « Nous avons développé notre système de prévision sur le Bengale mais il est générique et peut s’appliquer n’importe où ! D’ailleurs le code source est ouvert, il peut fonctionner sur n’importe quel ordinateur ou n’importe quel cloud ».
Tester la plateforme BandSOS : https://bandsos.github.io/
Avec BandSOS, n’importe quel habitant (et vous !) peut visualiser le niveau prévisionnel de l’eau et les submersions potentielles des 5 prochains jours, toutes les six heures et sur tout le delta. © BandSOS
Désormais, si un cyclone menace le Delta du Bengale, la plateforme BandSOS, bien qu’en version initiale, est tout à fait opérationnelle. Elle a été officiellement livrée à l’Agence de l’eau du Bangladesh le 1er novembre 2022, atelier de formation à l’appui pour les personnels du FFWC en charge des prévisions opérationnelles de submersion.
Les satellites au cœur du système
Pour établir ses prévisions de submersion, le système commence par récupérer les prévisions atmosphériques globales de la NOAA (Global Forecast System GFS), en libre accès et produites toutes les six heures à partir de données de satellites météorologiques. Fusionnées avec les hauteurs de marée et le débit du fleuve, le modèle océanique SCHISM (cf ci-dessous) calcule les hauteurs d’eau prévues et, le cas échéant, les submersions potentielles. Le système envoie ensuite ses informations sur la plateforme de visualisation en ligne.
Pour être en mesure d’estimer les submersions sur telle ou telle zone et la vulnérabilité associée, l’équipe a utilisé la télédétection croisée à plusieurs autres sources de données pour caractériser l’occupation du sol, l'exposition de la population et d'autres indicateurs. Ce travail sera prochainement affiné en testant l’imagerie radar Sentinel-1 (cf ci-dessous).
Enfin, grâce aux images satellite Sentinel-2, l’équipe projet a pu calculer un Modèle Numérique d’Elévation (MNE) à haute résolution de la zone intertidale. « Un élément crucial » que souligne Fabien Durand, « car la dynamique d’inondation cyclonique dépend de la topographie de la zone intertidale. Elle réagit notamment très fortement dans les zones de plages très vastes et peu pentues qui, comme dans le Delta du Bengale, se découvrent de plusieurs kilomètres entre marée haute et basse. L’imagerie Sentinel-2 nous a permis d’estimer cette topographie "aux petits oignons" et nous allons l’intégrer au système dans les mois à venir ».
Le modèle océanique
La plateforme BandSOS utilise le modèle océanique SCHISM, que l’équipe projet met en œuvre depuis cinq ans. Celui-ci simule l’évolution du niveau de la mer et des vagues à une échelle de la centaine de mètres toutes les cinq minutes. Tenant compte de l’interaction de la marée, de l’effet cyclonique et des apport fluviaux qui arrivent du continent, il fonctionne particulièrement bien, y compris en conditions météo-océaniques extrêmes.
Définir la vulnérabilité socio-spatiale
Afin que le système de prévision intègre la vulnérabilité socio-spatiale, l’équipe a mené un important travail de revue de littérature et d’analyse de données socio-économiques et infrastructurelles disponibles à l’échelle des cantons (upazila) pour construire un indicateur de vulnérabilité socio-spatiale. Selon Nathan Gauthier, ingénieur de recherche sur le projet BandSOS, « Nous sommes partis d’un premier travail d'estimation de la vulnérabilité à une échelle régionale pour arriver aujourd'hui à une estimation de la vulnérabilité à une échelle dix fois plus fine (à l’échelle des cantons), et nous allons encore descendre en granularité d’ici la fin du projet grâce à la télédétection spatiale. Nous allons tester les données radar Sentinel-1, qui traversent la végétation, pour affiner la détection de divers éléments comme les habitats et autres abris, les digues, et ainsi augmenter la précision d’estimation de l'exposition de la population menacée ».
L’indicateur de vulnérabilité socio-spatiale a pu être défini grâce à un travail de compilation de données diverses : composition et statut socio-économique des ménages, nature de l'habitat, présence d'infrastructures et de réseaux, exposition aux cyclones, structures de protection type digues. Sur cette carte de vulnérabilité, on voit clairement que les cantons du centre et du sud-ouest du Delta, pour certains situés à plusieurs dizaines de kilomètres à l'intérieur des terres, sont plus vulnérables que les autres cantons. © BandSOS